La responsabilité internationale de l’employeur

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L’employeur est responsable civilement de la sécurité de ses salariés à l’étranger dès lors qu’il a conscience d’un risque et/ou qu’il ne prend pas de mesures suffisantes pour préserver leur sécurité face à un danger, y compris en dehors des heures de travail.

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International

En termes de responsabilité sociale, l’article L. 4121-1 du Code du travail prescrit clairement une obligation générale de sécurité à la charge des employeurs :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

  1. Des actions de prévention des risques professionnels ;
  2. Des actions d'information et de formation ;
  3. La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Cependant, le législateur n’a pas précisé le champ d’application géographique du texte.

La question s’est donc posée de savoir si ce texte était applicable lorsque le salarié se trouvait en déplacement professionnel à l’étranger.

Deux décisions de justice font aujourd’hui jurisprudence dans ce domaine : le jugement Karachi et l’arrêt Abidjan. Ils confirment, voire amplifient, une obligation de résultat pour l’employeur quant à la sécurité de ses salariés en déplacement ou en poste à l’étranger.

Jurisprudence Karachi : faute inexcusable lorsque l’employeur a conscience du danger

Le 8 mai 2002, onze salariés travaillant pour la Direction des constructions navales (DCN), expatriés au Pakistan, à Karachi, meurent à la suite d’un attentat kamikaze, alors qu’ils se rendent sur leur chantier à bord d’un bus affrété par l’employeur.

Les familles des victimes saisissent le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) pour faire reconnaître la responsabilité de la DCN.

Elles avancent notamment que les dirigeants n’ont pas fait le nécessaire pour garantir la sécurité de leurs salariés expatriés, exposés à des menaces connues dans un pays en guerre.

Le jugement rendu le 15 janvier 2004 par le TASS confirme la faute inexcusable de l’employeur qui aurait dû prendre des mesures adaptées à la protection de ses salariés.

Il précise : « En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail.

Le manquement à cette obligation ayant le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. »

Lorsque la faute inexcusable est constituée, les victimes ou leurs ayants droits peuvent solliciter l’indemnisation de tous leurs préjudices et les Caisses d’Assurances maladie peuvent obtenir de l’employeur le remboursement des pensions versées.

Abidjan

Vue aérienne de la ville d'Abidjan (Côte d'Ivoire).

Jurisprudence Abidjan : responsabilité de l’employeur y compris en dehors des heures de travail

Dans son arrêt du 7 décembre 2011, la Cour de cassation va encore plus loin dans l’interprétation de l’article L. 412-1-1 du Code du travail.

En l’espèce, une salariée d’un laboratoire pharmaceutique français avait été agressée en Côte d’Ivoire alors qu’elle se trouvait au volant de sa voiture, dans un cadre privé.

Pour la Cour de cassation, dès lors que l’employeur a été prévenu de risques ou de menaces, il est tenu responsable de la sécurité de ses salariés expatriés et doit prendre les mesures nécessaires pour les protéger, y compris en dehors des horaires de travail.

Ces deux jugements confirment que l’employeur est soumis à une obligation de résultat concernant la sécurité de ses salariés, y compris à l’international.

Les entreprises doivent se renseigner autant que possible sur le contexte dans lequel leurs salariés vont évoluer, et prendre toutes les précautions et mesures nécessaires pour les protéger.

 

Sources : Chambre sociale de la Cour de cassation, arrêt n°10-22875 du 7 décembre 2011 - Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), jugement du 15 janvier 2004.

Crédit photo : Zenman sous licence CC BY-SA 3.0.